Histoire du Château d’Agel
Malgré les archives familiales importantes, conservées dans sa bibliothèque, l’origine exacte du château d’Agel est très mal connue.
Il faisait partie, ainsi qu’en témoignent ses enceintes successives de remparts et les traces de son pont-levis, des châteaux forts qui, accrochés aux pitons rocheux des Corbières et aux derniers contreforts de la montagne noire, devaient prolonger la résistance des seigneurs vassaux du comte de Toulouse au moment de la croisade des albigeois.
Effectivement, dans les chroniques du temps, le château d’Agel est qualifié de « derniers bastions du pays bas ».
La liste de ses propriétaires, qui ont subi de nombreuses vicissitudes guerrières, n’est connue que de façon très incomplète.
La pièce la plus ancienne qui ait été conservée, permet d’apprendre qu’en l’an 1100, il appartient à Bernarde, seigneur d’Agel, de Minerve et Cazelles. Il faut attendre ensuite le début du XIIème siècle.
En effet, au cours du XIIème, cette croisade, dirigée par Simon de Montfort, entreprit la conquête du Languedoc avec une sauvagerie exceptionnelle.
Le 22 juillet 1209, Béziers fut mis à sac et toute la population femmes et enfants compris, passés au fil de l’épée. Narbonne, qui comprenait peu d’hérétiques fut épargnée, mais Carcassonne tombait le 15 août 1209.
S’il contrôlait les grandes cités, Simon de Montfort n’était pas encore maître du pays. Les vassaux de Raymond de Toulouse, qui avaient pu s’enfuir de Carcassonne, s’étaient réfugiés dans leurs châteaux, dans les Corbières et au pied de la montagne noire. Ils refusèrent de se soumettre au vainqueur, et de leurs forteresses, lancèrent à tout moment des attaques, pratiquant la guerre d’embuscade et les coups de mains. La guerre des châteaux » allait commencer.
Parmi ces seigneurs se trouvait Guiraud de Pépieux, seigneur d’Aigues-Vives et d’Agel. Le château d’Agel, commandait la vallée de la Cesse, voie de pénétration vers Minerve qui, après la prise de Carcassonne, constituait avec Monségur, le principal point d’appui des Cathares.
Guiraud de Pépieux, s’était emparé avec surprise du château de Puisserguier. Simon de Montfort engagea Aymeri, vicomte de Narbonne, à faire le siège de ce château, mais Guiraud s’enfuit pendant la nuit à Minerve, en emmenant deux chevaliers français qu’il tenait prisonniers. Arrivé à Minerve il renvoya les deux hommes à Simon de Montfort, non sans leur avoir fait arracher les yeux, couper le nez, les oreilles et la lèvre supérieure.
Simon de Montfort se dirigea alors sur Minerve, dont il entreprit le siège le 24 juin 1210. Au passage, il avait brûlé le château d’Agel pour se venger de Guiraud de Pépieux. Minerve devait tomber le 22 juillet 1210 : 180 Cathares qui se trouvaient dans la forteresse, se précipitèrent eux-mêmes dans un bûcher.
Le traité de Paris, en 1220, en rattachant le Languedoc à la France mis fin à ces luttes sanglantes et les Pépieux qui avaient échappé au massacre, purent restaurer le château. Nous retrouvons en effet en 1300, un Guillaume de Pépieux cité dans les actes anciens en qualité de Seigneur d’Aigues-Vives et d’Agel.
Par la suite, les actes d’Agel permettent de reconstituer ainsi la liste des seigneurs successifs d’Agel :
- En 1304, Bernard d’Auriac et Guillaume de Molini seigneurs d’Agel.
- En 1352 Bernard de Maureilhan, en est le seigneur direct.
- En 1385, Bernard Randulphe, seigneur de Ventenac.
- En 1389, Pierre de Bongigosis, puis Bernard de haupoul.
- En 1413, Bernard d’Auriac, puis Bernard d’Aimard, d’Aigues-Vives de cavalerine.
- En 1432, Gabriel et de Verseilles, seigneur de Bise, achète le fief d’Agel à Bernard de Corsons.
- En 1494, en trouve Bernard de Corsery, Seigneur d’Agel, de Cesseras et de Bise.
- En 1511, Johan de Murviel de saint Maurice.
- En 1543, Pierre et Simon de Beauxhostes achètent à leur tour le fief d’Agel.
Les Beauxhostes tenaient leurs armes (deux mains entrelacées surmontées d’une couronne) de Philippe le Bel, dans les circonstances suivantes : Jean de Beauxhostes, d’origine anglaise, s’étaient mis en 1270 au service du roi de France. S’étant distinguée à la bataille de Furnes en 1270, Philippe le Bel lui dit : « je vous donne la main qui est le gage de la foi que vous et les vôtres aurez pour nous et nos descendants. » Ces mains entrelacées figurent depuis dans le blason du château d’Agel et sont gravées en particulier sur le manteau de la cheminée monumentale de la salle à manger.
De 1543 à 1530, le château reste dans la famille de Beauxhostes. En 1764, il fut vendu à Jean d’Augier, Viguier de Narbonne et devint par voie successorale la propriété de la famille Écal en 1880.
Le château lui-même a subi au cours des siècles, à la suite de l’assaut des guerres et de l’incendie, de nombreuses transformations réalisées par ses possesseurs de par le style de l’époque. C’est ainsi qu’aux sombres ouvertures du château fortifié au XVIIème siècle, les embrasures Renaissance furent à leur tour remplacées sur la façade principale par de larges baies à petits carreaux dans le style de Trianon.
Le XIX siècle apporta des aménagements intérieurs dépourvu de goût et qui, par leur souci de confort bourgeois, dénaturaient l’ordonnance des salles.
Quant au XX siècle, sa première moitié assista à la lente décrépitude de l’immeuble et de ses dépendances, l’aile nord en particulier, tombait littéralement en ruine jusqu’au moment où ses propriétaires actuels Messieurs Écal frères, entreprirent, grâce à un effort persévérant qui exigea la mise en oeuvre de moyens considérables, la remise en état systématique du château et des jardins à l’italienne qui entouraient, afin de redonner ainsi le cachet qui fut le sien dans le cadre immuable qui, par sa lumière et sa végétation rappelle un peu la Toscane.
La rivière, la Cesse, qui s’est taillé son lit dans les calcaires des monts du Minervois, l’enlace dans ses boucles qui semble le cacher jalousement pour préserver à ceux-là seuls, qui se plaisent à revivre avec lui, dans le calme et la douceur de la lumière méridionale, l’histoire de cette civilisation Languedocienne qui rayonnait de tous ses feux il y a sept siècles et qui n’a disparu que pour vivifier, en l’humanisant, la rude de civilisation franque des « Barons du Nord ».